23 Fév

La Cour de Babel

“La cour de Babel” de Julie Bertuccelli

« La cour de Babel », film documentaire de Julie Bertuccelli est un beau message de tolérance et de vivre ensemble entre les élèves, primo arrivants, d’une classe d’un collège de Paris.

Paris, XXème arrondissement, collège de la Grange-aux-belles. L’action se déroule dans une classe d’accueil. Vingt-quatre élèves de tous horizons s’y côtoient et vont passer un an ensemble. L’objectif pour tous est d’apprendre le français, cette nouvelle langue qui s’est imposée dans leur vie après leur installation dans le pays, et de s’insérer doucement dans le cursus classique de l’Éducation nationale.

Irlandais, Mauritanien, Serbe, Ukrainien, Chinois, Chilien, Polonais, Malien, Brésilien, Guinéen,.., c’est un melting-pot de nationalités où chacun doit apprendre à vivre avec l’autre. Chacun porte avec lui son bagage, la raison du déracinement de son pays plus ou moins bien vécue.

Pendant une année, la progression des élèves se déroule devant la caméra. Ils sont tous marqués d’une envie de communiquer dans leur nouvelle langue et de ne plus être montrés du doigt dans la cour parce qu’ils sont différents. Ils dépassent leur propres difficultés : telle a d’énormes lacunes car dans son pays son père ne lui permettait pas d’aller à l’école ; telle autre a choisi de rejoindre son père roumain pour s’ouvrir de meilleures perspectives d’avenir ; un autre a travaillé son violoncelle dix heures par jour pendant trois mois avant son départ pour pouvoir intégrer le conservatoire de musique… Et il y a aussi ceux qui ne sont pas encore certains de rester. C’est le cas de ce jeune Serbe dont la famille juive a fui le pays car menacé par des néo-nazis. Seul membre à se débrouiller en français, il doit remplir les dossiers de demande d’asile auprès de l’OFPRA au détriment de son travail scolaire. Il y aussi cette jeune femme qui déménage en cours d’année car sa famille est relogée à Verdun dans un appartement du CADA. Chaque séparation est une nouvelle rupture douloureuse dans la vie de ces jeunes qui n’ont pas forcément eu le choix du départ.

Malgré leurs blessures et le handicap de la langue, le soutien et l’accompagnement de leur professeure, Brigitte Cervoni, les guident dans leur nouvelle vie. Etre ensemble pour se soutenir pendant cette première année sur un nouveau territoire devient une force. Chaque petite réussite est un grand pas en avant dans cette nouvelle vie. Chaque réussite d’un des camarades est partagée par l’ensemble de la classe.

Dans ce film, aucun commentaire intempestif. Seuls élèves et professeure s’expriment. Aucun jugement non plus. Des discussions ouvertes où chacun essaye de comprendre comment le monde fonctionne, comment avoir une culture différente de son voisin n’est pas source de conflit et peut se vivre bien. L’émotion est à fleur de peau, les larmes jamais loin, les coups de gueule aussi.

L’année se termine. A la rentrée, chacun prendra sa place dans le cursus classique de l’Education Nationale. C’est une séparation douloureuse pour chacun d’entre eux, mais nul doute qu’ils retiendront pour toujours que la différence n’est pas un handicap mais une source d’enrichissements.

 

————- “La cour de Babel” de Julie Bertuccelli, 2014, 1h29